je me trouve une place pour ma vieille voiture, une cour de chantier…elle va bien avec le décor…je l’encastre bien, entre une bétonneuse rouillée et un lit tamis…j’arrive à entrebâiller ma portière, à m’extirper de l’habitacle…je m’éloigne un peu puis je me retourne pour observer la composition, un bout de parking, l’obscurité atténuée par un réverbère au bout de la ruelle, une musique assourdissante qui émane d’un bâtiment désaffecté, un boumzioued qui résonne dans les locaux déserts avant de s’engouffrer par les petites fentes en briques rouges qui ont remplacé les fenêtres…la bétonnière rouillée posée sur un tas de gravas comme une relique de la première guerre, témoignant des épreuves de sa vie…ma pauvre voiture, immaculée de boue, fatiguée par le temps … un lit en fer qui sert de tamis, il a du connaître ses heures de gloire, d’amour,de bonheur,de pauvreté avant d’échouer ici…que peut il nous raconter s’il pouvait parler ?...des pas lourds derrière moi, la curiosité d’un ouvrier me ramène à la réalité, il toussote, une tige dans sa main, la met dans sa bouche, la roule avec ses lèvres, sa main gauche tire un briquet de l’une de ses poches… allume sa tige… tire une taffe, me regarde du coin de l’œil puis s’évanoui dans l’obscurité…il fait un peu frais, je presse le pas,j’atteins le local, j’entre, la musique me parvient aux oreilles, une salsa, je monte les grands escaliers qui mènent au bar, le volume augmente, je m’imbibe des sons…une ambiance enfumée…je suis emporté…les odeurs viennent à mon encontre…des odeurs familiers mais tellement différentes des bouzes de vaches…un mélange de Gucci,de prada, de yve saint Laurent,de bières,d’alcools,de cigares et de sueur…tout se mélange, tout s’imbrique, une odeur unique…l’odeur de la nuit, l’odeur du fric, l’odeur de l’interdit…
Je me fraye un chemin…envoûté par la musique…j’atteint la piste…je cherche une cavalière…une femme…assise sur un mini tabouret tel une reine sur son trône…un visage angélique…un regard poignard…on croise les fers…elle vient vers moi…se donne…je prends…sa main dans la mienne…son corps face au mien…son regard m’envoûte…elle s’invite dans mon monde…Tendue…son corps ne suit pas…elle résiste…elle se débat…désolé c’est moi qui mène la danse…un premier tour, un deuxième puis tout s’enchaîne…sa crispation se dissipe peu à peu…ses mouvements deviennent de plus en plus souples, de plus en plus fluide…elle se laisse guidée…elle savoure le piège…elle a perdu tout ses repères…sauf un seul…moi…son partenaire…autour duquel elle tourne…tel la terre autour du soleil…elle savoure encore…la musique change…une batchata…c’est pas mon fort…mais j’adore…nos corps s’attirent…je sert ma prise contre son dos, ses seins se collent contre mon buste son visage au creux de mon coup, son souffle contre ma peau…elle ferme ses yeux…elle s’abandonne…je ferme les yeux…je respire son odeur…la danse peut commencer…on quitte notre dimension…on devient un seule entité…nos corps imbriques, nos odeurs mélangées, un seul tempo nous fait balancer…tout s’estampe…le monde, les bruits, les odeurs, les danseurs…plus rien n’existe,on transcende,on s’enivre, la musique nous entraîne, l’envie nous prend...une transe…un état second…le morceau s’arrête…un dernier regard brutal…un dernier tombé…nos corps se séparent…nos regards se croisent une dernière fois, la plénitude …une hésitation…nos corps s’éloignent…je la suis du regard…je reprend mon manteau…je ne la vois plus…elle a disparu…elle n’existe plus…elle n’a jamais existée…ce n’était qu’une enterloupe de l’esprit…je redescend les escalier…encore porté par l’ivresse de l’instant…je sors…la brise du petit matin m’accueille…je retourne vers ma sculpture éphémère…la bétonnière, le lit et ma vieille voiture…