J’étais mort de sommeil, ses histoires paraissaient sans fin, mon esprit se dissipait peu à peu, le regard hagard, la bouche bée, pris dans le labyrinthe de la situation, je commençait à perdre le fil…
Je les regarde…ils étaient tous assommés…même lui…
Le temps s’écoulait au compte goutte , j’étais en léthargie…
Subitement son regard aquilain se posa sur moi, je ne pouvais pas réagir, j’étais anesthésié, il arma sa voix, il dégagea sa gorge et déguena :
« est ce que tu peux me donner la preuve formelle est sans équivoque que j’existe réellement ! »
pris à court, j’étais piégé, ma gorge était sèche, ma langue apathique…la question résonnait dans mon esprit…reformulée, décomposée, décortiquée…rien…j’étais incapable de répondre…à l’évidence, j’ignorai la réponse !
l’ambiance était tellement irréelle, la mi lune éclairant la baie, le silence nous enveloppait, un léger vent du nord taquinait la flamme de la bougie orpheline qui composait avec sa cire une œuvre de la création !
son regard était toujours posé sur moi, il me transperçait de bout en bout tel une lance dans une botte de foin, je cherchai mes voyelles, je cherchai mes consonnes, je cherchai mes lettres pour composer mes mots…mais quel mots ?
à l’évidence, sa question m’a jeté dans un abîme, un abîme sans fond, sans limites et sans frontières…j’essayai de me convaincre qu’il était réel, qu’il était bel et bien devant moi, que ce n’est pas un rêve fruit de mon inconscience malmenée par les événements anarchique de ma vie…j’essayai de me convaincre que les gens qui m’entouraient sont bien réel et non des personnages phontômatiques de mon imaginaire…j’essayai de me convaincre, en vain, de ma propre existence…qui suis je ?
suis je réel ?
suis je une pensée perdue ?
suis je un verbe dans une phrase ?
suis je une diode dans un processeur ?
suis une neurone délirante dans le cerveau d’un comateux ?
tout ça, est ce réel ?
mais c’est quoi réel ?
…
…
une voix caverneuse, une voix de tête, une voix de conscience, une voix rationnelle, jailli de mon esprit…chassant les suis je, agraffant les lettres, commandant mes lèvres et dirigeant ma langue :
« JE TE TOUCHE, T’ES REEL »
un silence de plomb s’abat sur la présence… l’écho de ma réplique résonnait sur les murs en chaux blanc de la véranda…me rassurant dans ma réponse…se sentant appuyé, se sentant soutenu par l’écho de ma propre voix, je gagne en confiance, ma voix, l’un de mes cinq sens, est devenue mon allié…voulant encore ma rassurer, j’effleure son genou…il est bel et bien réel… !
son regard s’apaise, sa voix s’adoucit, ses mots se joignent et son visage se détend :
« ah, les cinq sens, la voie du matériel, qu’ils sont trompeurs…tout est illusion…tu touche, tu sens, tu vois, tu goutte et tu entends mais tout est illusion, réunis ou séparés il peuvent t’induire en erreur…tout est illusion…! regarde avec ton cœur,sens avec ton cœur, entend avec ton cœur, goûte avec ton cœur , touche avec ton cœur…le cœur c’est la clef de ton âme, tourne la et tu saura si j’existe ou pas !
je ferme les yeux…
un instant…
je les ouvre..
l’aube envoyait ses éclaireurs épier la déroute de la nuit…
un trésor était blotti contre moi…
je regarde tout autour…
le cercle des poètes avait disparu...l’écho de ma voix aussi…ainsi que lui !
je referme mes yeux, je retiens ma respiration, je plonge dans le profond de mon être, je cherche la clef, je la tourne dans la serrure…ça grince…la porte cède…une lumière intense m’aveugla, me porta…je m’élève, je transcende, je jouis… !
je devine son regard, plus perçant que la lumière, brûlant mais pourtant si apaisant , mon âme s’agenouille, mes doutes disparaissent, j’éclate de rire, un rire claire, profond, sincère, le rire de l’âme triomphante…
j’ai la preuve…
il était bel et bien réel
son messager m’a montré la voie et m’a offert le clef de l’énigme !
une luminescence a envahi mon cœur et mon être…
IL EXISTE !
Je serre fort mon trésor et je m’endors !