voici des extraits de l'article « Chouchoutés et encadrés » paru sur jeune Afrique n°2332 écrit par Mr Samy Ghorbal !
Matérialistes, individualistes, les jeunes Tunisiens sont aussi largement dépolitisés. Derrière les signes d’embourgeoisement percent toutefois de nombreuses inquiétudes.
« Ce qui caractérise la jeunesse d'aujourd'hui ? La frime et le fric. Notre génération est matérialiste, obsédée par l'argent, ou plutôt par les signes extérieurs de richesse, symboles de la réussite sociale. Et elle a oublié ce que penser veut dire. » Haythem, 24 ans, coupe rasta, est étudiant à l'École des beaux-arts. Attablé avec un groupe d'amis dans un café branché de Hay Nasr, un des nouveaux quartiers de Tunis, il ne veut pas trop s'étendre sur le sujet. Trop délicat. Car, après tout, les jeunes sont aussi ce que la société a fait d'eux. Mais, en peu de mots, il a appuyé là où ça fait mal.
Matérialistes, opportunistes, les jeunes seraient aussi très largement dépolitisés. Vrai ou faux ? Difficile de trancher, car la tentation est grande de comparer entre des époques qui ne sont pas comparables, et en faisant abstraction de contextes profondément différents. Si dépolitisation il y a, elle touche la société tunisienne dans son ensemble, et les jeunes, évidemment, ne font pas exception. Le débat politique tunisien, « strictement encadré », est d'une surprenante pauvreté, sur le fond comme sur la forme. La demande de liberté politique a globalement diminué.
Il n'y a pas qu'au Maroc que sévit le phénomène des diplômés-chômeurs. Il se manifeste aussi en Tunisie, où 20 000 diplômés du supérieur sont officiellement sans emploi. Le pays a connu ces vingt-cinq dernières années une véritable révolution, avec la scolarisation massive, la progression spectaculaire de l'enseignement universitaire, la construction de centaines d'établissements et d'instituts d'études supérieures. La part du budget de l'État consacrée à l'éducation varie entre 17 % et 25 %. Un effort colossal et payant : le nombre d'étudiants s'établit maintenant aux alentours de 300 000. Il a doublé depuis 1998. Et les filles, avec 53,3 % des effectifs, sont devenues majoritaires dans l'enseignement supérieur.
Certaines filières ont été épargnées par le phénomène, en particulier les disciplines scientifiques et la médecine, un pôle d'excellence, où, efficacité oblige, les cours restent dispensés dans la langue de Molière. Même ces étudiants privilégiés éprouvent des difficultés à se faire une place au soleil. Sur les six cents médecins qui quittent chaque année les bancs de la faculté, un quart seulement feront carrière à l'hôpital.
À bien des égards, la jeunesse tunisienne semble comme frappée de schizophrénie culturelle. Elle est affectée, en profondeur, par deux évolutions parallèles et contradictoires. Elle est à la fois plus libérée et plus conservatrice. Plus libérée, car on assiste, chez une fraction des jeunes, à une prise de distance de plus en plus marquée par rapport à la religion, et plus généralement aux règles de la bienséance en pays islamique : audaces vestimentaires et comportementales, consommation d'alcool, permissivité sexuelle. Des symptômes d'une occidentalisation accélérée du pays. Mais, à côté de cela, le retour du sentiment religieux et des valeurs conservatrices, peu ou prou liées au référent arabo-musulman, est également manifeste. La réapparition du voile, le regain de religiosité, la tentation du repli identitaire, le souci exagéré des convenances : autant d'éléments qui trahissent un mouvement de « réorientalisation » alimenté, en partie, par les télévisions arabes par satellite, très regardées, et qui ont supplanté les chaînes françaises ou italiennes dans le coeur des téléspectateurs. Avoir 20 ans à Tunis ? C'est être à la fois les enfants de M6 et ceux d'Al-Jazira. De quoi y perdre son latin.
Personellemnt je trouve l'article assez interressant quoiqu'il est destiné pour les européens qui ignorent notre réalité nationale, pour moi il n'apporte rien de plus, cette situation des jeunes dure depuis une belle leurette. aussi je trouve que lier le chomage des cadres superieurs a la maitrise du français c'est un peu exagéré.